
Depuis l’arrivée fracassante de ChatGPT et de ses cousins, on entend partout la même rengaine : « Les développeurs, c’est fini ! ». Entre les articles alarmistes et les entrepreneurs qui s’imaginent pouvoir se passer de développeurs grâce à l’IA, l’ambiance est plutôt anxiogène dans le milieu de la tech.
Développeur web autodidacte depuis plus de 20 ans, j’utilise l’IA quotidiennement dans mon travail avec GitHub Copilot (un assistant de code intégré directement dans mon éditeur). Et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi indispensable qu’aujourd’hui. Paradoxal ? Pas du tout.
Soyons honnêtes : oui, les outils comme ChatGPT, Claude ou GitHub Copilot peuvent générer du code. Oui, ils peuvent créer une fonction PHP (un bout de code qui exécute une tâche spécifique) ou un composant React (un élément d’interface utilisateur réutilisable) en quelques secondes. Et oui, pour des tâches simples et répétitives, c’est bluffant d’efficacité.
Le problème, c’est que coder ne se résume pas à aligner des lignes de code.
J’ai récemment demandé à ChatGPT de me créer un système d’authentification sécurisé (le système qui gère les connexions utilisateurs). Le résultat ? Un code qui fonctionne… en apparence. Mais quand on creuse un peu, on découvre des failles de sécurité évidentes, des pratiques obsolètes et une architecture (l’organisation globale du code) qui ne tiendra jamais la charge.
C’est un peu comme si vous demandiez à quelqu’un de construire une maison en lui montrant juste des photos d’autres maisons. Il va vous construire quelque chose qui y ressemble, mais les fondations seront-elles solides ? L’isolation sera-t-elle aux normes ? Les canalisations seront-elles bien pensées ?
Après toutes ces années passées dans le développement, j’ai compris une chose : le code n’est que la partie visible de l’iceberg. Ce qui fait la valeur d’un développeur, c’est tout le reste.
Le contexte métier, d’abord. Quand un client vous dit « je veux un système de gestion de stock », l’IA va vous pondre un CRUD basique (un système simple pour Créer, Lire, Modifier et Supprimer des données). Un bon développeur, lui, va poser les bonnes questions : Quel volume ? Quelle fréquence de mise à jour ? Quelles sont les contraintes légales ? Comment ça s’intègre avec l’existant ?
L’architecture système, ensuite. GitHub Copilot peut m’écrire des fonctions isolées, mais il ne peut pas concevoir une architecture évolutive qui tiendra 5 ans. Il ne peut pas anticiper que dans 6 mois, il faudra gérer 10 fois plus d’utilisateurs, ou qu’il faudra s’interfacer avec un nouveau système.
Le debugging des vrais problèmes (la recherche et correction de bugs, ces erreurs qui empêchent le code de fonctionner correctement). L’autre jour, j’ai passé 3 heures sur un bug qui ne se produisait que le mardi entre 14h et 16h. Spoiler : c’était un conflit avec un job CRON (une tâche automatisée qui s’exécute à heures fixes) mal configuré. Bonne chance pour expliquer ça à une IA qui n’a accès qu’au code source.
Voilà la vraie révolution : l’IA ne remplace pas les développeurs, elle les transforme en architectes augmentés.
Depuis toujours, les graphistes et les développeurs ne se comprennent pas, ce qui donne lieu à de nombreux problèmes lors de la réalisation d’un projet. C’est l’affrontement de deux façons de penser totalement opposées. (Personnellement, je n’ai jamais eu ces problèmes car étant autodidacte, j’ai toujours pris le temps de m’intéresser au métier des graphistes pour comprendre leurs contraintes et leur façon de penser. C’est cette curiosité qui m’a permis de toujours évoluer.)
Aujourd’hui, l’IA sert d’assistant entre notre réflexion et le code final.
Concrètement, ça veut dire quoi ?
Au lieu de passer des heures à écrire du code boilerplate (du code répétitif et standardisé qu’on retrouve dans tous les projets), je me concentre sur ce qui a vraiment de la valeur : concevoir l’architecture, anticiper les problèmes, optimiser les performances, sécuriser l’ensemble.
L’IA devient mon assistant de production, pas mon remplaçant. C’est un peu comme si on avait embauché un stagiaire ultra-rapide mais qui a besoin d’être supervisé en permanence.
Soyons lucides : oui, certains profils vont souffrir.
Les développeurs qui se contentent de copier-coller du code depuis StackOverflow (un site de questions-réponses pour développeurs) sans comprendre ce qu’ils font ? Ils sont déjà en difficulté, et l’IA ne va rien arranger.
Ceux qui refusent d’évoluer et qui codent aujourd’hui comme en 2005 ? Ils vont avoir du mal à rester pertinents.
Mais ces profils-là posaient déjà problème avant l’IA. Ce n’est pas l’IA qui les tue, c’est leur refus d’évoluer. Étant autodidacte, j’ai dû apprendre à me remettre en question constamment, à évoluer avec les technologies. C’est cette capacité d’adaptation qui fait la différence aujourd’hui.
Le développeur moderne, c’est un mélange de plusieurs compétences :
Expertise technique : comprendre en profondeur les langages, les frameworks (des boîtes à outils qui facilitent le développement), les architectures. Pas juste savoir les utiliser, mais comprendre pourquoi et comment ils fonctionnent.
Maîtrise de l’IA : savoir utiliser ChatGPT, Claude, GitHub Copilot… mais surtout savoir auditer leur code, détecter leurs erreurs, les guider efficacement.
Compétences soft : communication avec les clients, travail en équipe, capacité à vulgariser des concepts techniques. L’IA ne remplacera jamais ça.
Vision stratégique : anticiper les évolutions, proposer des solutions pérennes, pas juste des pansements temporaires.
Je ne vais pas vous mentir : beaucoup d’entreprises vont être séduites par les économies que représente l’utilisation de l’IA pour coder. « Pourquoi payer un développeur quand ChatGPT peut le faire gratuitement ? »
Cette réflexion me rappelle étrangement l’histoire du COBOL (un langage de programmation créé dans les années 60). Dans les années 90-2000, on annonçait sa mort imminente. Les entreprises ont arrêté de former des développeurs COBOL, pensant migrer vers des technologies « modernes ».
Résultat ? Aujourd’hui, en 2025, des milliards de transactions bancaires tournent encore sur du COBOL. Les rares développeurs qui maîtrisent ce langage se font payer une fortune car personne ne peut maintenir ces systèmes critiques.
La même chose va se produire avec l’IA et le développement. Les entreprises qui croiront pouvoir se passer de développeurs vont vite déchanter :
Il y aura une prise de conscience. Comme pour le COBOL, on réalisera que les développeurs sont indispensables. Mais à nous, développeurs, de montrer la vraie valeur de notre travail. Pas juste notre capacité à écrire du code, mais notre capacité à :
Faire un choix se base sur deux aspects : l’instinct et la réflexion. Avec l’IA, j’ai gardé ma réflexion et mon instinct de développeur forgés par 20 ans d’expérience autodidacte, mais j’ai gagné un assistant de production redoutablement efficace.
Est-ce que l’IA va transformer le métier ? Absolument.
Est-ce qu’elle va le tuer ? Absolument pas.
Les mauvais développeurs disparaîtront. Les bons deviendront excellents. Et les excellents ? Ils n’ont jamais été aussi indispensables.
Les entreprises qui l’oublieront paieront le prix fort, comme celles qui ont négligé leurs développeurs COBOL. L’histoire se répète toujours.
En entreprise, on est rarement seul, et c’est même pour cela qu’on embauche. Aujourd’hui, l’IA fait partie de l’équipe. Mais c’est toujours le développeur qui a le dernier mot, qui comprend le contexte, qui anticipe les conséquences.
Et vous ? Utilisez-vous l’IA dans votre travail de développeur ? Avez-vous déjà vu des projets échouer à cause d’une mauvaise utilisation de l’IA ? Partagez votre expérience en commentaire !